Tayra Ravensun

Chapitre I : Tayra Ravensun

Adossée au muret qui séparait le jardin aux milles motifs que les immenses massifs de fleurs dessinaient au sol de la titanesque fontaine sur laquelle des statues toute aussi imposantes semblaient danser entre les innombrables jets d'eau reflétant la vive lueur du soleil matinal, Tayra contemplait le magnifique papillon qui s'était posé sur le coeur d'une fleur d'Aubépine dominant par sa beauté et sa hauteur l'assemblée florale l'entourant.
De grandes ailes qui battaient l'air lentement, un corps frêle et gracieux, fragile. Lentement la jeune fille se leva et approcha, sa robe balayant une tempête de pétales multicolores qui voletèrent un moment avant de retourner doucement tapisser le sol, puis tendit la main vers l'animal. Celui-ci referma les ailes, hésitant, craintif, puis se percha sur l'annulaire droit de sa main délicate. Souriante, Tayra s'accroupit pour mieux admirer la petite créature, détaillant avec soin ses ailes colorées quoi que pratiquement transparentes, s'émerveillant de sa beauté sauvage, s'émouvant de la simplicité de ses formes et de la finesse de ses traits. Doucement, il déploya ses ailes et s'envola, gracieux, effrayé par un hennissement aigu qui venait de retentir non loin. Un large sourire étira les lèvres de la ravissante elfe lorsqu'un serviteur vint la trouver, et elle fit volteface de façon à se retrouver face a lui. La grâce dont chacun de ses gestes étaient empreints fit s'empourprer le jeune humain qui baissa instinctivement la tête face à cet adorable visage contre lequel il ne pouvait rien, et il bredouilla quelque mots qu'elle fut incapable de distinguer avant de se reprendre et de se redresser.

« Votre père est de retour dame, accompagné de vingt jeunes hommes, comme chaque mois à ce jour. »

D'un ton amène , la jeune fille congédia l'annonciateur de la nouvelle et s'enquit de rejoindre sa mère qui l'attendait déjà, accompagnée par plusieurs servantes immobiles, tant que l'on pourrait croire à des statues si leurs yeux ne clignaient pas de temps à autre.
Deux d'entre elles se détachèrent du groupe et, comme a chaque présentation, la délestèrent de sa robe alors que Tayra glissait déjà dans le bassin occupant la majeure partie de la pièce, dans une eau couverte par une fine nappe de pétales roses tendant sur le blanc. Tayra se laissa couler un instant, savourant cette impression de liberté qu'elle ressentait à chaque plongée puis remonta à la surface une fois à court d'air. Elle quitta son bain et écarta les bras. Aussitôt, une des servantes renversa une jarre d'eau froide pour la rincer des divers produits destinés à purifier son corps alors qu'une seconde la sêchait au moyen d'une serviette en soie d'un rouge sang qu'elle appréciait beaucoup.
Comme toujours, Ryvia Ravensun, sa mère s'occupa de peigner ses cheveux que sa fille préférait longs et libres, cascadant sur sa nuque, ses épaules, jusqu'au bas du dos. Une fois chaque noeud éliminé, son épaisse crinière lisse et et d'un blanc neigeux recouvrée, elle se leva et fut immédiatement assistée par deux habilleuses qui la vétirent d'une longue robe couleur passion. Rapidement, une autre servante pris le relais et teignit ses lèvres de la même couleur, jouant sur la profondeur de son regard malicieux et souriant au moyen d'un maquillage noir des plus classiques.

Tayra quitta la salle dans laquelle elle avait étée préparée accompagnée de sa mère et d'un serviteur l'ayant rejoint après son habillement, ce dernier portant un éventail noir décoré par quelques filigranes d'or subtilement sertis, symbole de sa famille.
Seule héritère de sa maison, Tayra fut préparée dès sa naissance à la diriger. Taillé dans le plus beau des joyaux, son corps parfait était un véritable symbole de beauté. Une silouhette élancée, une musculature fine, des courbes avantageuses quoi que juvéniles, un visage pur et dépourvu du moindre défaut qui a lui seul évoquait la magnificience de la femme et le charme adorable d'une jeune fille, elle était enviée de tout les siens et faisait la fierté de ses géniteurs.
Silencieuse, rangée dans l'amphithéatre qui faisait face à la scénette sur laquelle 20 hommes étaient alignés et vétus de riches vétements, toute la maison s'était réunie. Un silence plus pesant encore reigna sur la salle quand l'héritière passa l'arche qui menait à l'estrade, certains étaient partagés entre la jalousie et l'envie, d'autres se contentaient de la contempler, d'autres encore lui vouaient un respect sans fin, mais aucun n'aurait oser se mouvoir de peur de briser le calme que son illustre présence forçait.
La cérémonie commençait.

Un radieux sourire aux lèvres, Tayra marcha jusqu’à l’autre bout de la scènette, détaillant chacun de ses prétendant brièvement. Tous la suivaient des yeux, et l’admiraient. Autour d’elle semblait planer un voile de bienveillance, une aura réconfortante forçant l’émerveillement, des effluves apaisantes, un parfum qui incitait à l’adorer, donnait envie de la chérir, de l’avoir pour soi. Une fois le chemin jusqu’à l’arche conduisant à la sortie achevé, elle soupira longuement et jetta un dernier regard aux 20 garçons. Chacun d’eux s’attendait à ce qu’elle s’attarde dessus, mais elle n’en fit rien. Tous étaient comte, duc, chevalier, héritier d’une grande fortune, vétus comme des rois. Mais, comme toujours, aucun ne l’intéréssait.
Dépité, le duc Kevar Ravensun, grand patriarche de sa lignée, chevalier-capitaine d’une escouade de cavalerie lourde maintes fois décorée pour ses mérites se leva et alla trouver sa fille près de la fontaine dans laquelle elle noyait ses peines et trouvait le réconfort qu’aucun n’était capable de lui apporter.

« Qu’ont-ils donc ceux-là pour que tu ne t’interesse à aucun d’entre eux ?
- Mon père , je me doit d’honorer notre famille en choisissant le mari qui saura me combler sur tout les points. Je partage votre peine , et c’est avec grand regret que je constate chaque mois qu’aucun n’est à la hauteur de notre lignée. »

Le même ton posé, les mêmes mots, chaque mois, elle répondait de la même façon. Le patriarche lâcha un long soupir excédé et retourna auprès de sa femme concerter de cette situation qui empêcherait, selon lui, la maison d’être dirigé comme elle l’avait toujours étée : par un homme.


~~~


A l’aube, les rayons du soleil percèrent l’épaisse couche de feuillages qui entourait l’immense jardin, se glissèrent entre deux statues, illuminèrent les geysers d’eau de la fontaine, firent rayonner l’épaisse chevelure dorée et la peau claire d’une jeune fille allongée dans l’herbe encore humide, vétue d’une simple robe blanche et courte. Un sourire irrésistible illumina un peu plus son visage angélique et ses magnifiques yeux verts, en s’ouvrant , le firent briller d’avantage.
Le soleil lui même semblait vouloir souligner sa perfection et s’était permis pour ce faire, de l’éveiller aux aurores. Tayra resta allongée dans l’herbe, contemplant les reflets multicolores que projettaient les jets d’eau au sol, spectacle sublime et si court, qu’elle ne manquerait pour rien au monde. En une heure tout au plus le soleil s’arracha de l’étreinte de la terre et s’éleva dans l’infinité du ciel azuré sur lequel il dispensait une vive lumière blanche. Trop haut a présent pour se refleter dans l’eau comme dans un prisme et colorer le sol par ses spectres ravissants. L’héritiére se leva lentement et comme chaque matin s’enfonça dans la flore exotique qui composait son paradis, pour y cueillir quelques fruits qui feraient son déjeuner. Elle s’attarda un moment dans une petite clairière parsemée d’herbes hautes et jaunes sur lesquelles le soleil semblait se refléter tant leur couleur était vive puis ferma les yeux, se laissa porter par les légéres brises qui agitaient les tiges dorées. Son corps tout entier semblait en osmose avec les brins d’herbe et dansait au même rythme qu’eux tandis qu’elle entonnait un chant gai et triste a la foi, empreint d’une certaine mélancolie.
La vue d’un elfe qui l’admirait depuis un moment déjà attisa sa curiosité. Personne ne la dérangeait habituellement lorsqu’elle offrait son corps au soleil et aux plantes, et cet homme, elle ne l’avait jamais vue. Assis en tailleur, vétu d’un costume de bonne facture, armé d’une planchette de bois sur laquelle était fixée un parchemin, parchemin qu’il décorait, armé de divers outils prévus pour la peinture.

Tayra s’approcha doucement, espérant échapper à son oreille et se glissa derrière lui pour entrevoir son travail. Le jeune homme se retourna et offrit un sourire aimable à son modèle tandis qu’il la saluait d’un ton amène. Elle fut impressionée par son talent indéniable et la façon douce et sans les habituels procédés de paroles qu’avaient les nobles entre eux, par la finesse des traits de son visage ainsi que la teinte blonde cendrée qu’avaient ses longs cheveux lisses. Bien qu’elle ne s’attarda pas sur son visage, mais plutôt sur sa création qu’il poursuivit sans se soucier de sa présence.
Courtoise et aimable, l’héritiére offrit un peu de son repas fruitier à sa nouvelle rencontre, qui eu la surprise de découvrir qu’elle partageait avec lui l’amour des fruits rouges et plus particulièrement des groseilles. Un large sourire étira leurs lèvres, et l’homme repris son travail de maître, sur lequel il ajouta quelques détails le rendant plus vivants, plus réel. Après huit heures pendant lesquelles lui peignait et elle observait, ils échangèrent de nombreux regards mais jamais un mot, de peur de briser le chant du vent s’engouffrant dans les troncs creux, glissant contre les pierres aux formes étranges, accompagné par celui des oiseaux et des insectes grouillant dans la clairère.
Les deux elfes se levèrent et ils se présentèrent l’un à l’autre.

« Relial Silentsun. »

Elle n’oubliera pas ce nom, gravé au bas de la peinture qu’il lui offrit avant de s’enfoncer dans un massif d’arbres aux couleurs exotiques et de disparaître.
La jeune fille s’assit et admira son oeuvre une fois encore, alors qu’un large sourire se dessinait sur son visage juvénile.

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